En Bretagne, la campagne n’est pas téléphonée (Huma du 8 mars)

Ils ne sont pas abattus, ils se battent. Après les salariés d’Airbus à Saint-Nazaire, celles et ceux qui veulent d’une Bretagne terre d’agriculture responsable, de respect du travail et de haute technologie ont pris la parole avec Marie-George Buffet, en trois moments mercredi matin. Sous la halle de Guerlesquin, le traditionnel café servi en bol attend la petite centaine d’habitants de cette ville de gauche pour un « petit déjeuner débat » (1).

Corinne Nicole a quarante ans, cinq enfants, elle est communiste et syndiquée CGT dans l’usine Tilly, spécialisée dans l’exportation de poulets congelés vers le Moyen-Orient. Elle, elle ne supporte plus d’entendre la formule « travailler plus pour gagner plus ». « De qui se moque-t-on ? L’entreprise emploie 327 personnes contre 650 il y a encore trois ans. La moyenne d’âge a augmenté de deux ans. Le nombre de troubles musculo-squelettiques générés par les cadences infernales augmente. Sont-ce ces mêmes salariés cassés par la pénibilité du travail que l’on va mettre à la chaîne jusqu’à soixante-cinq ans, voire plus ? » s’insurge l’ouvrière qui gagne à peine 950 euros par mois « primes comprises ».

Corinne met en accusation le groupe UNICOPA, propriétaire, qui, non content de profiter des aides publiques à tous les niveaux, a encore été servi par la droite avec le contrat de transition professionnelle, « expérimenté » sur le pays de Morlaix, pour mettre encore plus de salariés à la rue, sans bourse délier. Parce qu’il « est temps de réagir », elle votera pour Marie-George Buffet.

Les veaux à peine nés se réfugient, apeurés, dans leurs niches en plein air. Une nuée de caméras et de micros ont suivi la candidate de la gauche populaire et antilibérale jusqu’à la ferme de Christian Fustec, à Plouaret. Maire communiste et paysan anti-OGM, l’homme raconte sa vie et son travail, au fil de la visite d’une exploitation dédiée aux vaches laitières et à la culture de la pomme de terre. Un monceau de betteraves témoigne de la volonté du fermier de nourrir ses bêtes exclusivement de manière naturelle. « Je suis allé en Nouvelle-Zélande avec l’INRA. Des collègues là-bas m’ont alerté : "Ne vous engagez pas dans des politiques libérales" de production intensive. Certains ont dû acheter 800 vaches parce que le lait leur est acheté à peine 5 centimes du litre. Ils gagnent à peine le SMIC. »

Élu depuis 1977, il a vu le nombre d’exploitations de sa ville passer de 130 à « à peine 30 aujourd’hui ». Résultat : « leur taille augmente et les emprunts aussi. » « Si l’on suivait cette logique, nous ne serions plus quatre associés sur notre ferme mais un seul, avec les conséquences sur les familles. » Trop « petits » pour bénéficier d’aides à l’installation à leurs débuts, ils ne rentrent pas non plus dans les critères d’aide actuels, du fait de leurs choix de production. C’est peu dire que le paysan et la candidate sont d’accord pour réformer la politique agricole commune.

Marie-George Buffet est ensuite attendue au complexe de loisirs de Plouaret, pour rencontrer des représentants de l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO et CGC) d’Alcatel-Lucent de Lannion. « Les soutiens politiques sont les bienvenus », insiste Christian Le Bouhand, secrétaire CFDT du comité central d’entreprise, qui annonce deux manifestations, l’une, européenne à Paris, jeudi 15 mars, l’autre, régionale à Lannion, samedi 24 mars, sur l’impact régional de la suppression de 500 emplois en Bretagne, intérimaires et sous-traitants inclus. Là encore l’échange pointe les enjeux nationaux et européens de pareils licenciements boursiers sous contrôle américain. Comme pour Airbus, la responsabilité de l’État est en cause. Marie-George Buffet prend un engagement : « J’interpellerai publiquement le premier ministre dans les quarante-huit heures. »

(1) Marie-George Buffet était entourée de Gérard Lahellec, vice-président (PCF) du conseil régional, François Bourven, secrétaire de la fédération du PCF du Finistère, Alain David, adjoint au maire de Morlaix, et Jean Corvez, conseiller municipal communiste de Guerlesquin.